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Un exemple de bon orateur : Christophe Robert

Trop d’invités sur les plateaux de télévision affectent de tenir une parole faussement détendue, une parole d’entre soi, comme si les caméras n’étaient pas là. Christophe Robert, Directeur Général de la Fondation Abbé Pierre, n’est pas de ceux-là. Il ne se fond pas dans le magma des corps affaissés autour de la table. Il s’expose et expose. Peut-être a-t-il conscience de la théâtralité à laquelle il faut consentir lorsqu’on tient une parole publique dans un lieu public. Il faut en effet y incarner un personnage, et par conséquent le construire. C’est ce qu’il fait. C’est seulement à cette condition que la pensée d’orateur s’élève au niveau attendu.

Les chaînes d’information en continu invitent toujours plusieurs personnes sur leur plateau, autour d’une grande table, pour débattre de sujets d’actualité. Christophe Robert en est souvent. Quand l’animateur lui pose une question, il étend souvent sa réponse à tous. C’est déjà un signe de sa conscience de tenir une parole publique. Peu d’invités le font, et dans une réunion privée lui-même ne le ferait pas. Ce réflexe l’entraîne souvent à se redresser pour les regarder plus facilement l’un après l’autre. Il faut aussi remarquer la qualité de son regard. Ses yeux ne les défient pas. Ils ne les regardent pas non plus sans voir, ils ne les balayent pas du regard. Ils s’intéressent à eux. Ils les invitent à l’accompagner dans son discours. Ils brillent comme pour accueillir un ami, intention qui conduit toujours celui qui accueille à se redresser et à ouvrir les bras. C’est une seconde caractéristique du regard de Christophe Robert. Elle le conduit à redresser plus encore sa posture.

 

Or la caractéristique commune à tous les personnages que l’on attend dans la vie publique est leur verticalité. Les corps affaissés ne montrent que des personnes privées. Le corps de Christophe Robert suit mécaniquement ce que commande son regard. Il amorce ainsi assez bien la métamorphose de sa personne en personnage, dans son cas celui de Directeur Général de la Fondation Abbé Pierre.

Bien sûr, cet homme n’est pas un orateur parfait. Il lui arrive parfois, comme à beaucoup, de s’accouder à la table devant lui et de chercher un mot en regardant dans le vide, accompagnant cette recherche de quelques mots parasites. Mais un dernier aspect de son usage du regard est à souligner.  Parfois quand un mot lui manque il continue de regarder avec intérêt son auditeur. Ils attendent alors ensemble que le mot suivant lui vienne. Pas un mot parasite ne trouble le silence de cet affût. De tels silences sont les ponctuations véritables de l’oral. Ils rythment la danse des cerveaux que le bon orateur conduit avec ses partenaires auditeurs. Ils n’ont aucun rapport avec les virgules et les points de l’écrit. Peu d’orateurs savent les produire. Christophe Robert en produit parfois grâce à son regard, presque aussi clair que celui d’un enfant.

Je ne sais si cet homme a conscience de faire ce qu’il fait de bien dans ses paroles publiques. Peut-être est-il simplement doué. Toujours est-il que c’est un bon exemple d’orateur à suivre.

Stéphane André