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Le regard des orateurs pour relier leurs intelligences

Le 7 avril dernier, Manuel Bompart, coordinateur de La France insoumise (LFI), était l’invité, de 8 h 30 à 9 h, sur France Info. Les journalistes avaient manifestement beaucoup de questions à lui poser, car ils tentaient très souvent de l’interrompre au milieu de ses réponses pour lui en poser de nouvelles. Le député ignorait systématiquement ces tentatives et continuait à parler jusqu’au terme qu’il entendait donner à ses réponses.

Les journalistes Salhia Brakhlia et Jérôme Chapuis auraient pu débuter l’interview en disant : « Nous avons beaucoup de questions à vous poser. Merci donc de nous faire des réponses brèves. » Ce procédé peu couteux ressort des méthodes classiques d’animation. Mais il eût été ici sans effet, étant donnée la qualité plus que médiocre des orateurs autour de la table. Chacun suivait son chemin de pensée sans se soucier de l’autre. Les pensées, donc les intelligences, ne s’ajustaient pas entre elles. Pourquoi ?

Entrer en contact par le regard : un exercice utile

Lors du journal suivant cette interview, on vit un reportage sur un politique à sa descente d’avion lors de son arrivée aux États-Unis. Il serrait des mains. Quel rapport avec la question ? L’un de nos exercices d’entrée dans la technique de l’Art oratoire concerne le regard d’intérêt décidé porté sur l’auditeur. Le professeur et l’élève marchent l’un vers l’autre en l’exerçant, et puis, arrêtés face à face et se regardant toujours, se serrent la main. Quelles que soient leurs tailles respectives, leurs mains se rencontrent toujours du premier coup, sans jamais viser à côté, trop haut ou trop bas. Le professeur ne manque jamais de le faire remarquer à l’élève, qui en reste toujours étonné. On ne réfléchit jamais assez à ce genre de phénomène ordinaire. Il nous semble tout naturel et par conséquent sans intérêt. Or c’est justement parce qu’il est tout naturel et néanmoins toujours miraculeusement réalisé qu’il a de l’intérêt.

Le politique qui sert la main successivement à d’autres politiques alignés sur un tarmac d’aéroport assurément prend le temps de s’intéresser du regard à chacun, car il n’a rien d’important à lui dire. Il ne lui reste donc qu’à les regarder en s’intéressant chaque fois à chacun d’eux, et eux font de même à son égard. C’est alors que les mains se rencontrent miraculeusement. D’où nous pouvons conclure que lorsque deux êtres s’intéressent du regard l’un à l’autre, leurs mouvements s’harmonisent.

Le regard : un outil pour harmoniser les pensées

Considérons maintenant la parole d’un orateur s’exprimant dans un entretien face à un autre orateur, comme un mouvement de son cerveau. Et faisons de même pour la parole de l’autre orateur. Puis demandons à ces deux orateurs, après les y avoir entraînés, de se regarder en se parlant comme s’ils se serraient la main. Pour les mêmes raisons miraculeuses pour nous, leurs pensées s’harmoniseraient entre elles et ils n’auraient plus à se battre pour prendre la parole. Nous le démontrons dans ce que nous appelons la production de groupe en réseau construit (PGRC). Nous parlons alors d’un réseau des corps, et par conséquent des cerveaux qu’ils contiennent, construit par les regards. Il permet la circulation sans heurts de la pensée dans le groupe et sa productivité est exceptionnelle. Nous vérifions alors empiriquement ce que d’autres chercheurs vérifieraient scientifiquement.

Les pensées de Manuel Bompart et des deux journalistes ne pouvaient pas s’ajuster entre elles parce qu’ils ne se regardaient pas. Et quand ils se regardaient, ça n’était pas pour s’intéresser à l’autre, mais pour s’imposer à lui. La vidéo de cette interview vous le montrera.

Le regard est premier dans l’Art Oratoire.