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Médias et politique : comment répondre aux journalistes ?

Les Français connaissent les politiques par la radio, qu’ils écoutent le matin avant d’aller au travail, et par la télévision le soir en regardant les journaux télévisés. Les passionnés suivent les talk-shows sur les chaînes d’information et les réseaux sociaux. Le temps court dont les politiques disposent pour s’exprimer dans ces médias et la peur d’être interrompus les obligent à l’une ou à l’autre de ces deux tactiques d’expression, la contention ou l’évitement.

Les stratégies de prises de parole à éviter face aux journalistes

La contention cherche à bloquer toute tentative d’interruption, en fixant du regard le journaliste tout en parlant très vite, pour ne pas lui laisser de silence qui lui permettrait de prendre la parole. La voix est alors poussée légèrement au-dessus du médium et le buste en avant. L’orateur cherche à conserver une mainmise totale sur la relation. Tais-toi, je parle.

L’évitement consiste au contraire à fuir la relation. Centré sur ce qu’il veut dire en parlant, l’orateur cherche ses mots en regardant le vide. Il ne regarde pas, ou peu, le journaliste. Physiquement sorti de la relation, il avance ses idées comme dans un désert, sans direction où aller. Sa pensée s’égare donc dans des « euh… » , des incidentes inutiles et des détails superflus. Dans leur jargon, les journalistes appellent cela des « tunnels », qui leur font perdre des auditeurs.

Les politiques dans les médias : un exemple à ne pas suivre

Or, les journalistes supportent de moins en moins d’être empêchés de parler ou ignorés par leurs invités. Ils leur coupent donc souvent la parole, pour les recentrer sur la question posée. Cela donne des désordres parfois sidérants dans les échanges. Les auditeurs ne retiennent finalement du discours des politiques que leur état fébrile, qui n’est pas propre à leur inspirer confiance, et les clichés associés au parti auquel ils appartiennent.

Mi-février, un sondage commandé par le CEVIPOF sur le degré de confiance des Français dans leurs représentants politiques annonçait que 26 % des Français, seulement, ont confiance dans les politiques, contre 30 % l’an dernier. La tendance s’aggrave. 71 % pensent que la démocratie fonctionne mal et 73 % attendent un vrai chef qui mette de l’ordre.

Le désordre dans les paroles qu’ils tiennent dans les médias, ajouté au désordre qui s’est instauré au parlement depuis le débat sur les retraites sous le gouvernement d’Élisabeth Borne, est sans doute pour quelque chose dans la perte de confiance des Français dans leurs représentants politiques.

Le regard : la clé pour répondre aux journalistes

S’ils regardaient les journalistes pour leur répondre comme des partenaires, les politiques trouveraient d’instinct les mots pour dire l’essentiel de ce qu’ils pensent, dans le respect des contraintes de temps que leur demandent les journalistes. S’ils ne le font pas, le danger qu’ils encourent est en effet d’être interrompu. Or, c’est bien en faisant face au danger, que l’on trouve d’instinct les meilleures parades. Principe bien connu dans les arts martiaux.

Où que nous ayons à prendre la parole dans notre vie publique, dans l’entreprise comme en politique, ou dans les médias et quelles que soient les situations auxquelles nous sommes confrontés, faisons en sorte de ne jamais quitter physiquement le terrain de la relation. C’est ce que nous apprenons à nos élèves, notamment en entreprise, dans nos médiatrainings.

 

Stéphane André