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L’importance de lire et de dire à l’école

Michel Desmurget est l’auteur de La fabrique du crétin digitalqui expose aux parents les risques de la surexposition des enfants aux écrans. Interviewé en novembre par le magazine hebdomadaire du journal Le Parisien à propos de son nouvel ouvrage Faites les lire ! il affirme : « Aujourd’hui, un tiers des enseignants de primaire et de collège ne lisent pas et n’aiment pas lire. C’est un cercle vicieux : comment des gens qui n’ont pas été sensibilisés à la lecture peuvent-ils transmettre ça à nos enfants ? ».

Je me suis depuis longtemps posé la même question à propos du direL’idée me viendrait presque de produire un ouvrage qui aurait pour titre Faites les dire ! Ma réflexion partirait du souvenir des récitations, en primaire puis au collège. Et je me demanderais quelle proportion d’enseignants était capable à l’époque et le serait encore aujourd’hui, de dire correctement devant leur classe les poésies qu’ils donnaient ou donnent à réciter à leurs élèves. Peu s’y essayaient à mon époque.

On peut entrer dans l’écrit par l’oral, en vocalisant l’écrit (Gustave Flaubert « gueulait » parfois ce qu’il écrivait pour en éprouver le style). Et l’on peut entrer dans l’oral par l’écrit, en lisant l’écrit ou en écrivant l’oral (ce qui ne veut pas dire qu’il faille obligatoirement lire ses discours). Il est en tous cas certain que les deux démarches sont indispensables à l’éducation de nos enfants, qui seront plus tard eux-mêmes des éducateurs, souvent comme parents et parfois même comme enseignants.

 

Lire, c’est entrer dans l’oral par l’écrit. Enregistrer la précision de la syntaxe et acquérir le sens de la linéarité d’une démonstration, par conséquent d’un discours. On se prépare ainsi à bien penser dans l’oral, qui est toujours un premier jet contrairement à l’écrit où l’on peut se corriger. Tandis que dire des textes bien écrits, c’est entrer dans l’écrit par l’oral. Malheureusement à l’école on parle de réciter. Dans le dictionnaire Larousse : « Dire, prononcer des paroles comme une chose apprise, sur un ton qui manque de naturel ». Réciter, c’est donc dire des textes bien écrits sans les ressentir. C’est un pensum pour l’élève. Loin de le faire entrer dans l’écrit par l’oral, c’est plutôt le dégoûter de l’écrit par l’oral.

On devrait interroger les enseignants de primaire et de collège, pour savoir quelle proportion d’entre eux dit des poèmes, et aime les dire jusqu’à les dire devant leur classe. Le maître montre, c’est ce qui le différencie de l’enseignant. Mais comment l’enseignant d’aujourd’hui peut-il montrer ce qu’on ne lui a pas montré hier ? Enfant, lui aussi a récité à l’école.

 

Stéphane André