Quand l’orateur n’obtient pas le résultat qu’il attendait d’un discours, d’un débat ou d’une interview, son intention avant l’action n’est pas en cause. Son échec est toujours dû à la façon dont il a usé de son corps pendant l’action. En usant mal, il a mal usé de son cerveau, qui en fait partie quoi qu’on en dise. Il n’a alors pas trouvé les mots, les tons et les rythmes appropriés au résultat escompté. Et, par exemple, sa parole qui se voulait apaisante s’est faite provoquante. Voici trois vérités sur le fonctionnement du corps humain dans une parole publique, tel qu’attendu par la Nature.
Elle a d’abord voulu que nous soyons la seule espèce verticale dans le règne animal, notamment dans la plus noble de nos activités qu’est la parole publique. L’orateur assis derrière une table, tellement penché en avant vers ses auditeurs qu’il s’accoude pour ne pas tomber, se fond dans la population des quadrupèdes ordinaires.
La Nature a ensuite voulu que la musculature et l’ossature dorsale de l’homme constitue la charpente de sa posture verticale. Il doit par conséquent y concentrer l’essentiel de son énergie. Alors sa face détendue ne montre plus que de discrètes mimiques et quelques gestes souples et près du corps. L’orateur projeté en avant au-dessus de la table à laquelle il s’accoude, concentre au contraire toute son énergie dans sa face. On lui voit des rides sur le front, des yeux écarquillés, parfois des rictus, et des gestes saccadés
Enfin, la Nature a voulu que la voix de l’homme parlant en public s’appuie sur le souffle vertical de sa colonne d’air et passe par le pilier du cou très ouvert pour que le larynx y travaille à son aise et que sa voix soit belle. L’orateur presque à l’horizontale au-dessus de sa table, redresse sa tête pour faire face à ses interlocuteurs. Il pince alors son larynx dans son cou aplati. Plus poussée que placée pour se faire entendre, sa voix n’est plus musicale. Parfois même elle agresse l’oreille de l’interlocuteur. Un tel orateur renonce à son humanité.
Le mot humanité a deux sens. Pour le premier, il ne faut bien sûr pas douter de l’appartenance d’Emmanuel Macron à l’espèce humaine. Pour le second, il ne faut pas non plus douter de son intention de faire preuve d’humanité dans son interview du 22 mars 2023, après l’adoption de la réforme des retraites par le rejet des motions de censure au parlement. Son intention apparaît d’ailleurs en filigrane dans la succession des contenus qu’il y a apportés. Mais il est à craindre que, malmenant son humanité au premier sens dans sa posture et sa voix, son intention sincère de faire preuve d’humanité au second sens n’ait pas abouti. Et que d’apaisante, sa parole soit devenue provoquante.
Seul face au pays en pleine crise, le projet d’apaiser était trop énorme, pour un orateur qui pensait sans doute que la sincérité de sa personne allait suffire. Pour porter de tels projets, il faut à l’orateur une charpente. A de tels postes, elle il faut sérieusement la travailler, comme des sportifs de haut niveau.
C’est une vérité maintes fois rencontrée dans nos recherches sur la parole publique : une tactique de débat inverse sa valeur en fonction du muscle qui la porte.