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Le général de Gaulle : un grand orateur par la présence

Le dimanche 24 mai, la chaîne 5 a diffusé un documentaire réalisé par Jean-Pierre Cottet : De Gaulle, histoire d’un géant. On y mesure le formidable engagement physique d’un homme au service de sa cause, qui n’était pas mince, puisqu’il s’agissait de la France. Il faut voir comment De Gaulle parlait aux Français et au monde dans ce film. Par comparaison, on mesure à quel point aujourd’hui l’engagement physique de nos politiques dans leurs paroles publiques est inexistant.

L’engagement physique du général de Gaule lors de ses prises de paroles

Qu’on ne nous dise pas que l’époque a changé. Car s’il est vrai que le style d’expression change avec les époques, dans l’histoire de nos démocraties l’engagement physique fut toujours la condition de l’incarnation par l’orateur politique de son rôle dans la cité. Comme il l’a toujours été chez les comédiens pour défendre leur rôle au théâtre. Aujourd’hui, aux tribunes ou dans les débats, nos politiques n’incarnent plus. Or, l’esprit de l’orateur ne s’élève dans une parole publique que si son corps s’engage. Face au peuple à la tribune ou à l’adversaire dans le débat, il trouve alors ses éclairs de génie. Il n’est pas étonnant que tant de politiques aujourd’hui fassent encore appel à tout bout de champ à la pensée du général. Ils n’ont plus de génie.

Qu’on ne nous dise pas non plus que la politique, l’entreprise, l’école ou l’association ne sont pas des théâtres. Comme si le théâtre était une activité méprisable ou trop légère. Servir la pensée d’un grand auteur dramatique est un honneur pour les comédiens et une chance pour la société qui vient au théâtre pour voir son reflet dans un miroir. Servir un rôle de député, de dirigeant ou de professeur est aussi un honneur pour l’orateur et une chance pour la société de continuer chaque jour à se construire.

La présence du général de Gaulle dans ses discours

En un mot, ce qui frappe dans les discours et les conférences de presse du Général, c’est sa présence. Dans le lieu et dans le temps. À tel point qu’en regardant les extraits dans le documentaire de Jean-Pierre Cottet, nous avons l’impression qu’il nous parle aussi. Présent dans le lieu, il l’est par le regard franc et direct qu’il adresse à ceux qui s’y trouvent. Il l’est aussi par sa façon de se verticaliser dans le fauteuil qu’il occupe, et d’ignorer la table ou le pupitre devant lui, quand d’autres orateurs s’y accoudent ou s’y agrippent pour s’y fondre. Et présent dans le temps, il l’est encore par le regard qui ne nous quitte pas pendant ses silences, quand trop d’orateurs vont chercher dans le vide la suite de leur discours. Au contraire, pendant ses silences, qui, même longs, ne sont pas gênants, De Gaulle nous regarde. Il attend sereinement avec nous que son cerveau, qui nous reçoit toujours dans ses yeux, construise pour nous la suite de son discours. Enfin, De Gaulle est présent à la fois dans le lieu et dans le temps par sa voix, qui consacre un grand orateur. Présent dans le lieu par son volume, qui semble capable de la faire entendre sans effort dans des lieux sans limites. Et encore présent dans le temps par sa musicalité, qui fait sentir tout le sentiment qu’il a de chaque mot qu’il prononce, de sorte que, quand il le prononce, on sent bien qu’il est avec nous.

Je me souviens d’une expression souvent utilisée quand j’étais étudiant en sciences humaines. On était, ou l’on n’était pas, présent dans l’« ici et maintenant » d’une relation, ce qui signifiait dans le lieu et dans le temps de cette relation. Les politiques de l’époque parlaient mieux qu’aujourd’hui. Libre à chacun de n’y voir qu’une coïncidence.

 

Stéphane André