































« Attention à ce que tu vas dire ». C’est la pensée qui traverse l’esprit de tout orateur pendant sa préparation. Il va falloir se sécuriser en conséquence. Apprendre par cœur, garder en tête un plan précis, s’appuyer sur des supports… les possibilités sont nombreuses. Alors arrivé face au public, l’orateur relativement calmé va resservir sa préparation.
Deux possibilités s’ouvrent à lui : d’un côté le péril de s’ouvrir à une audience potentiellement menaçante, de l’autre l’impératif de respecter ce qu’il était prévu de dire. Le choix est vite fait : il se tourne vers le salut que constitue sa mémoire. Tout occupé à puiser dans cette dernière pour anticiper le point suivant, son corps se démobilise. L’énergie disponible n’est plus suffisante pour produire les mouvements nécessaires à une parole nette. Orateur absent à son public, la rencontre avec ce dernier ne peut avoir lieu. Comme sa voix, ses idées ne passent pas la rampe. Comment expliquer ce comportement si répandu ?
« Tourne sept fois ta langue dans ta bouche avant de parler ! ». C’est cette injonction entendue pendant l’enfance qui va porter un coup d’arrêt à la spontanéité de l’enfant commençant à apprivoiser le langage. Le flux de sa parole libre s’assèche et il goûte à la réflexion : retourné quelques instants à l’intérieur de lui-même, il découvre qu’il peut se soustraire au présent pour peser ses paroles.
Tout au long de sa scolarité puis de sa carrière, assis huit heures par jour sur sa chaise, l’organe qu’il développera sera principalement le cerveau qu’il s’emploiera à stimuler par la réflexion. Pour ce qui est des muscles, l’on prendra soin de les développer uniquement en éducation physique. Mais attention, avec parcimonie ! Il ne faudrait pas avoir « tout dans les cuisses et rien dans la tête ».
Jamais l’engagement physique n’est investi comme déterminant de la pensée. L’un des symptômes de cette éducation séparant le corps de l’esprit est le cas de l’apprentissage de poème à l’école. Il sera possible d’avoir une bonne note en récitant l’œuvre d’une voix atone sans trop comprendre ce que l’on dit, tant que le texte d’origine est fidèlement restitué au mot près.
Tout cela n’est pas sans conséquence sur l’enseignement de la prise de parole en public. Principalement perçu comme un médium mécanique comme l’est le stylo pour l’écrit, le corps est « dressé » pour se mettre au service de représentations souvent préconçues de ce que devrait être un bon orateur : on lui intime l’ordre de parler fort, de se déplacer de telle manière sur scène ou de forcer un sourire.
S’adosse à cela l’approche par la rhétorique, symptôme réflexe produit par notre société de l’écrit. Abordée comme une suite de modèles langagiers applicables à tout discours, les élèves finissent par montrer une plus grande loyauté aux formules piochées dans les livres… qu’au public qui leur fait face.
Mais ne nous trompons pas ! Comme le disait Cicéron dans son ouvrage De Oratore « Ce que faisait d’instinct les hommes éloquents, d’autres après eux l’on observé, étudié avec soin. Ainsi, ce n’est pas l’éloquence qui est née de la rhétorique, c’est la rhétorique qui est née de l’éloquence ».
En somme : utiliser des formules rhétoriques ne rend pas automatiquement éloquent.
Enseigner l’Art Oratoire devrait consister à renouer les causalités entre ce que l’on nomme le corps et l’esprit. Ses sens en éveil, déployé face au public, la pensée de l’orateur se réorganise intuitivement lorsqu’il est sur scène. Comme un conducteur sur une route dangereuse, il est réceptif au paysage complexe et changeant que constitue le public pour pouvoir adapter sa trajectoire.
Cette ouverture à l’autre va fertiliser sa pensée : de nouveaux liens, nuances, ou idées vont en être le produit et son corps désormais habité déploie ses capacités expressives dans une parole vivante et adressée. Entre la scène et la salle, les idées circulent, c’est l’éloquence.
En somme, l’Art Oratoire n’est pas art de restitution, mais d’élaboration, au présent de la relation au public. Ce changement de paradigme constitue souvent pour l’élève un saut dans le vide. Mais c’est par un apprentissage technique permettant autonomie et pratique régulière que le vertige initial devient envol. Alors au travail !
Pierre Derycke – Professeur à L’École de l’Art Oratoire
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