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Émouvoir le public par la voix : l’exemple de l’art lyrique

France 4 a récemment diffusé un concert classique enregistré le 20 juillet 2024 à Saint-Rémy-de-Provence. Deux immenses sopranos, Pretty Yende et Nadine Sierra, y donnaient un récital composé principalement de grands airs d’opéra français et italiens, avec l’Orchestre Appassionato dirigé par Mathieu Herzog. Des émissions comme celle-ci sont rares à la télévision à une heure de grande écoute, évidemment parce que les chaînes savent que peu de téléspectateurs s’y précipitent. Il fallait donc profiter de celle-là.

Captiver le public par la voix

Les larmes nous sont parfois venues aux yeux en écoutant ces voix, deux voix magnifiques. Et pourtant bien souvent nous ne comprenions pas leur texte. Elles bien sûr le comprenaient. Excellentes comédiennes, elles nous le montraient dans leurs interprétations. Le simple phénomène physique de transmission par l’air jusqu’à nos tympans de la puissance et de la richesse musicale de leur organe était capable de nous émouvoir jusqu’aux larmes, et c’était des larmes de bonheur. Dans ces moments-là, on peut croire que l’art pourrait sauver le monde de la guerre.

Ce qui fascine de surcroît dans la performance des grands artistes lyriques, c’est le travail qu’elles et qu’ils ont accompli pour en arriver là. La voix parlée n’aura sans doute jamais la puissance d’une voix lyrique. Mais le travail de la voix n’en reste pas moins une nécessité pour tous les orateurs, quelles que soient leurs places dans nos organisations. Car eux aussi doivent émouvoir pour impliquer durablement leurs publics dans les projets qu’ils défendent.

Le travail de la voix en Art Oratoire

Par la logique des arguments (logos), leurs mots doivent convaincre les auditeurs de l’intérêt du projet qu’ils exposent. Leurs voix, par l’émotion (pathos) qu’elles suscitent chez les auditeurs, doivent les impliquer dans le projet. D’abord en le leur faisant vivre physiquement comme eux le vivent en les exposant. Puis en les motivant pour œuvrer plus tard à sa réalisation. Or la plupart des orateurs en entreprise et ailleurs aujourd’hui ne travaillent que le logo. Le pathos ne serait bon que pour les fous ou les artistes. Leurs auditeurs ne vibrent donc pas aux projets qu’ils défendent. Bien sûr, sans être émus aux larmes, ils ont besoin de vivre des émotions en écoutant leurs managers, leurs candidats aux élections, ou leur professeur. De sorte que, même s’ils ne s’endorment pas pendant le discours et se laissent convaincre par le logos, lorsqu’ils retrouvent le monde et les émotions de toutes sortes qu’il leur réserve, ils oublient jusqu’aux discours qu’ils ont entendus.

Nos larmes étaient de bonheur parce que la voix des deux artistes lyriques était belle. La voix des orateurs, s’ils la travaillaient, pourrait aussi être belle. Ils pourraient alors à bon droit, eux aussi, se dire artistes. Alors, comme ces deux sopranos, ils susciteraient autour d’eux la paix et l’harmonie. C’est pourquoi notre école s’appelle l’Ecole de l’Art Oratoire. Sans utopie, on n’avance pas.

 

Stéphane André