À L’École de l’Art Oratoire, nous sommes souvent interrogés sur les différences entre un acteur et un orateur. Les professionnels que nous formons à l’Art Oratoire expriment souvent la peur de « theâtraliser » leurs prises de parole, ce qui nous permet ainsi de leur expliquer qu’un orateur n’est pas un acteur, et ce, malgré le fait que notre technique s’inspire du théâtre.
Acteur et orateur : des manières différentes de considérer leur corps
Le corps de l’acteur, du chanteur ou du danseur est leur instrument. Grâce à sa maîtrise, ils construisent des personnages. Ils le font si bien que le public, qui n’est venu que pour ça, ne voit plus que ces personnages. Ce n’est qu’au moment des saluts que les spectateurs remercient les acteurs, chanteurs et danseurs de s’être si bien fait oublier, pour leur donner tous ces personnages.
Des collaborateurs conviés à une réunion attendent de rencontrer un manager. Des élèves entrant dans une classe le jour de la rentrée scolaire attendent sur l’estrade un professeur. Ce sont des personnages. Sont-ils incarnés par des professionnels formés, comme l’acteur, le chanteur ou le danseur l’ont été ? Le plus souvent, la réponse est non. Si le corps de l’acteur est son instrument premier, celui de l’orateur dans nos organisations est son instrument dernier. Pourtant, la vie publique est aussi un théâtre, puisque les orateurs sont censés y produire des personnages.
La raison de l’oubli du corps dans la formation des orateurs tient au fait que la différence entre la personne de l’orateur et son personnage dans la vie publique (s’il réussit à l’incarner !) est mince. Il en a toujours l’apparence physique et aucun rite théâtral ne le distingue de son public. Au contraire, le dispositif scénique éloigne du public la personne de l’acteur. Le costume, le maquillage et les éclairages plus encore. Et le tempérament du personnage joué par l’acteur est en général si différent du sien qu’il déforme sa personne.
C’est pourquoi, si l’engagement du corps paraît évident dans la formation de l’acteur, il est en général oublié dans celle de l’orateur. C’est d’autant plus regrettable que la charge physique de l’orateur au théâtre de la vie publique est en réalité plus lourde que celle de l’acteur au théâtre de Molière. Voici quelques conseils pour mobiliser son corps pendant une prise de parole en public.
Le rapport au public : différence entre l’orateur et l’acteur
Quand l’acteur entre en scène, le texte d’un auteur de génie, écrit et validé souvent depuis des siècles, est déjà appris et disponible dans sa tête. Le public est venu de son plein gré s’agglutiner contre la rampe pour l’écouter. L’obscurité est faite dans la salle. Les trois coups du brigadier ont fait le silence partout dans le théâtre. Le rideau se lève sur la scène éclairée. Tout est prêt pour accueillir l’acteur, qui connaît son métier. Il n’a plus qu’à paraître.
Il n’en est pas de même pour le manager quand il entre en réunion ou pour l’enseignant qui entre dans sa classe. Pas de texte assurément génial déjà dans sa tête. Le public n’est pas vraiment là pour lui. Aucun brigadier n’a fait le silence et aucun projecteur n’éclaire son entrée. On continue les conversations dans la salle, sans se rendre compte parfois que l’orateur est entré. Rien n’est prêt pour l’accueillir, l’orateur. Il n’a plus qu’à prendre sa casquette de manager ou de prof pour imposer sa personne. Hélas, une casquette ne fait pas un costume et encore moins un personnage. On se tait parce qu’il a le pouvoir. Mais l’écoute contrainte n’est jamais une écoute de qualité.
Le comédien qui entre en scène n’a plus qu’à couler son personnage dans le moule que lui offre un monde déjà structuré autour de lui, et il a appris à le faire. Au contraire, l’orateur doit structurer sans moule son personnage, pour structurer le monde autour de lui, sans avoir appris à le faire. Il aurait de quoi envier le sort de l’acteur.
L’École de l’Art Oratoire enseigne une conception physique du travail de l’orateur.