Retourner sur le site

Concours d’éloquence : les erreurs à éviter

Le 2 juillet s’est déroulée la finale du concours d’éloquence de notre École. Comme chaque année, les sélections ont eu lieu une fois par mois depuis janvier. La plupart des candidats sont étudiants, une petite minorité lycéens ou déjà dans la vie professionnelle. Au fil des années, nous sommes de plus en plus surpris par le type de discours que nous proposent les étudiants. Voici un aperçu des erreurs des orateurs que nous remarquons fréquemment. 

1. Ne pas regarder le public

Ce sont le plus souvent des discours écrits, soit dits par cœur, soit lus sur un papier ou l’écran d’un téléphone. Dans le premier cas, le candidat nous balaie du regard sans nous voir. S’il croisait vraiment nos regards, il craindrait de perdre la mémoire de son texte. Dans le second, il relève de temps en temps les yeux de ses notes, mais toujours sans nous voir et pour retourner bien vite à ses notes. Comme leurs regards finalement ne rencontrent personne, ils ne sont pas freinés par nos présences et débitent leur texte à toute vitesse. La salle est pour eux comme le tonneau des Danaïdes, tonneau sans fond qu’ils cherchent à remplir tout de même en comptant désespérément sur la vitesse de leur débit de parole. Et comme ils ne comptent pas sur notre présence pour nous parler vraiment, ils « mettent le ton » comme on le leur a demandé dans leurs récitations à l’école, un ton qui sonne faux. En un mot, ils surjouent.

2. S’inspirer du stand-up

Ensuite nous sommes frappés par l’abondance des sujets liés à leur personne, soit à leur propre vécu (de l’amour, de l’échec, de l’enfance, du sexisme, etc.), soit à la seule démonstration de leur agilité intellectuelle, notamment au travers de quantités de jeux de mots ou de rimes dûment préparés dans le travail d’écriture, soit encore aux deux en même temps. Souvent le candidat cherche alors à nous faire rire. C’est un adepte du stand-up.

Cette façon de concevoir la parole en public ne prépare pas ces jeunes gens à leurs futurs exposés de managers, d’enseignants ou de politiques. Et même, elle les en détourne. Défendre un plan d’action en entreprise, donner un cours d’Histoire au lycée ou soutenir un projet politique ne font pas de l’orateur le sujet principal du discours, bien au contraire. Mais surtout le centrage sur soi de ces jeunes orateurs et leur façon de parler au public sans s’y intéresser annonce une génération d’orateurs qui, plutôt que parler avec leurs publics, parleront surtout contre. Cela se voit déjà dans notre monde politique où les orateurs se déchirent même entre alliés. Il semblerait donc que la « conflictualité » se répande un peu partout et ne soit plus le principe d’action du seul Jean-Luc Mélenchon.

3. Privilégier le discours écrit plutôt que l’oral

Il ne faut pas reprocher à ces jeunes et courageux orateurs de confondre l’Art Oratoire et le stand-up. Ils sacrifient à une mode du brio personnel largement récompensée dans la plupart des concours d’éloquence qui leur sont proposés. Elle se greffe elle-même sur une tradition bien française, qui fut longtemps de privilégier l’écrit sur l’oral. D’où leur impressionnant travail de rédaction qui, plutôt que d’en faire des orateurs, leur donne l’allure d’élèves lisant laborieusement un devoir de rédaction, lui-même laborieusement rédigé.

Comme à chacune de nos sélections, nous avons encore dans celle du mois de juin sélectionné trois orateurs qui, texte appris ou non, sont montés sur scène sans notes et qui nous ont parlé à nous. La chose n’est pas étonnante, puisqu’ils nous regardaient vraiment. Et nous avons encouragé les quinze candidats qui nous ont fait l’amitié de venir concourir chez nous ce soir-là à ne plus confondre le stand-up et la parole en public, en leur partageant quelques conseils pour réussir leurs prochains concours d’éloquence.

 

Stéphane André