Les concours d’éloquence fleurissent dans les lycées, universités, facultés de droits…etc. Ces compétitions voient même le jour dans des entreprises : Orange en est la preuve avec son épreuve Ma Thèse en 180 secondes, concours pour lequel nous avons d’ailleurs eu la chance d’accompagner certains candidats ! Nos professeurs d’Art Oratoire étant régulièrement sollcicités en tant que jury des concours d’éloquence étudiants, nous aimerions vous partager quelques conseils pour réussir un concours d’éloquence.
Les sélections de notre concours d’éloquence : un exemple concret
Les sélections pour la finale de notre concours d’éloquence du 4 juillet prochain demandent aux candidats un discours de cinq minutes sur un sujet libre. Celle du mois de mai a donné lieu à un débat passionnant entre notre jury et certains candidats que nous n’avons pas retenus. Ils étaient sincèrement sidérés de ne pas l’avoir été, alors qu’ils avaient suivi les conseils de « professeurs d’éloquence » en qui ils avaient confiance, leur professeur de français pour les lycéens. Deux d’entre eux nous ont fait état de leur succès à d’autres concours d’éloquence, dans leur lycée pour l’un, au concours Lysias des facultés de droit pour l’autre. Quel jury étions-nous, pour ne pas avoir reconnu le travail (effectivement considérable) qu’ils avaient fourni ?
Le risque de trop préparer un discours
Ils nous ont raconté. On leur avait d’abord demandé d’écrire des textes soignés, si possible poétiques, agrémentés de mots d’esprits. Ensuite, au pupitre (ils ne connaissaient pas de concours d’éloquence sans pupitre où poser leurs feuillets, nous en avons donc avons installé un), ils devaient les lire en « jouant sur la musicalité ». Certains avaient des feuillets stabilotés de multiples couleurs pour « varier les tons ».
Cette méthode les avait conduits à une diction convenue et grandiloquente. Fabrice Luchini y aurait trouvé des « boursouflures ». Ils avaient surjoué leur discours. Le regard calé sur leurs feuillets (ils le relevaient parfois brièvement pour nous regarder sans nous voir), ils lisaient très vite peut-être pour faire preuve de virtuosité. Pris par le défi de tout saisir et sincèrement sensibles à leur recherche littéraire, nous en oubliions la cause qu’ils étaient venus défendre. L’un d’entre eux nous dit qu’il avait été sincère dans la défense de la sienne. Il l’avait sûrement été. Mais, ne nous impliquant pas dans sa diction, il ne nous avait pas impliqué dans sa cause. C’est pourquoi, bien que convaincu il n’avait pas été convaincant.
Pris par le défi de tout saisir et sincèrement sensibles à leur recherche littéraire, nous en oubliions la cause qu’ils étaient venus défendre. L’un d’entre eux nous dit qu’il avait été sincère dans la défense de la sienne. Il l’avait sûrement été. Mais, ne nous impliquant pas dans sa diction, il ne nous avait pas impliqué dans sa cause. C’est pourquoi, bien que convaincu il n’avait pas été convaincant.
Jouer la situation : la clé de la réussite d’une prise de parole
« Il ne faut pas, comme le font la plupart des comédiens, vouloir jouer un personnage, mais jouer la situation » (1) a dit un jour Louis Jouvet aux jeunes élèves de sa classe d’Art Dramatique. Ce conseil vaut pour les orateurs. Trompés par des professeurs d’éloquence auto proclamés, ces jeunes orateurs avaient voulu jouer un personnage.
Les candidats que nous avons retenus ont au contraire joué la situation. Elle était simple : un public était devant eux, qu’ils devaient convaincre. Sans le diktat de notes, simplement en nous regardant, ils ont trouvé ou retrouvé des mots qui nous ont convaincus. Ils ont ainsi développé devant nous ce que nous appelons dans notre école une éloquence naturelle, par conséquent sans boursoufflures.
Créer une relation forte avec le public : la priorité
Marc Bonnant, célèbre avocat suisse et grand orateur, présidait il y a quelques années le jury d’une finale nationale du concours Lysias. Il reprocha vertement aux deux finalistes d’avoir lu leur plaidoirie plutôt que d’avoir choisi de regarder le jury pour le convaincre. En Art Oratoire, consulter parfois des notes est toujours possible. La lecture en public ne se justifie que pour faire connaître de grands auteurs. Quant aux élèves de français ou aux étudiants en droit, il sera toujours suffisant aux enseignants de lire leurs devoirs pour évaluer leurs connaissances. Ce ne sont pas encore de grands auteurs. Il est en tout cas certain que la lecture en public n’a pas grand-chose à voir avec l’Art Oratoire.
Stéphane André