
































Quoi qu’il y prétende souvent et de bonne foi, l’orateur ne peut métamorphoser tout seul sa personne en personnage au point de faire oublier sa personne. S’il y prétend, en se concentrant et en respirant profondément avant de rencontrer son public, il restera toujours dans son comportement des expressions de sa personne qui viendront polluer son personnage. Hésitations sur le propos à tenir, exposés d’états d’âme, et tics divers. Toutes ensemble créent un flou dans la forme que l’orateur propose au public, en lui offrant des alternatives d’écoute qui détourne son attention du personnage. Pour des raisons multiples, qui tiennent aujourd’hui à une banalisation des paroles publiques, ce flou est devenu la norme. Personne ne trouve à y redire. Imaginez la même pollution des personnages au théâtre, cela serait insupportable pour le public.
Le comédien, à l’inverse de l’orateur, peut et doit métamorphoser sa personne en personnage seul dans sa loge. Il le peut car le personnage est si différent de sa personne qu’il peut l’objectiver, le voir à l’extérieur de lui pour l’inviter en lui. Il le peut d’autant plus que le texte qu’il va dire lui est étranger, puisqu’écrit par un auteur dramatique, souvent de génie. Il le travaille comme un musicien classique travaille une partition. Ce travail de construction de son personnage une fois réalisé dans sa loge et achevé en coulisse, le public voit entrer en scène une forme pure, un personnage parfaitement crédible, comme s’il venait d’une pièce à côté.
Tout ce travail n’est pas possible à l’orateur, et il l’est d’autant moins qu’il ne dispose pas d’un texte écrit par un auteur. S’il l’écrit lui-même, est-ce sa personne qui l’écrit ou son personnage ? Il ne peut le savoir. Les deux sont trop proches quoi que distincts. Il peut s’y essayer, mais surtout, qu’il conserve un doute sur son texte en entrant en scène. Ce doute est salutaire. Car il permet à l’orateur de s’ouvrir à un autre moyen de construire son personnage. Ce moyen, c’est le public, qui s’offre justement à lui quand il entre en scène.
On connaît le mot de Michel Bouquet à Fabrice Lucchini dans sa loge alors qu’il allait entrer en scène : « N’oublie pas que le public est venu jouer avec toi ». Ce rappel est d’autant plus important pour l’orateur, car le public est son seul partenaire, alors que le comédien en a d’autres avec lui sur le plateau. Or, le public de l’orateur joue toujours juste. Qu’il se réjouisse ou fasse la tête à l’idée d’être là pour écouter son manager ou son professeur, il sait toujours qui il va rencontrer. Et par les signes qu’il lui envoie, il le montre bien à l’orateur qui se présente devant lui. Que l’orateur décide donc de s’intéresser du regard à lui avant d’ouvrir la bouche. Cette décision fait aussitôt de son regard une technique, ce qui n’empêche pas son intérêt pour ses élèves ou ses collaborateurs d’être authentique à cet instant. Quelque-chose se passe alors chez l’orateur, qui lui semble incroyable tant qu’il ne l’a pas éprouvé lui-même. Il se sent grandir à la hauteur de sa fonction, au sens propre (son dos s’allonge) et au sens figuré (une certaine sérénité l’envahit). C’est le public qui l’y transporte. Tout seul il n’aurait pas pu. Et quand il commence à parler, c’est sa fonction qui parle. Ce n’est plus lui.
C’est pourquoi nous entraînons par l’exercice nos élèves à passer avec succès ce moment, crucial pour eux et leur public, de l’entrée en scène. Plus tard, sur leur lieu de travail devant leur propre public, ils le passeront encore avec succès comme à l’exercice. Avec l’entraînement il leur deviendra facile et même agréable.
Il est exaltant pour l’orateur de trouver une expression naturelle (certains diront l’authenticité ou la spontanéité), à un tout autre niveau que celui de sa personne. Son métier de professeur ou de manager devient soudain passionnant, pour lui et pour son public. Il accède à ce que nous appelons une éloquence naturelle¹ (il faut encore ajouter la voix). Par la technique, il réveille dans son corps les mécanismes que la nature lui a préparés pour ses paroles publiques. Sans elle, l’éloquence naturelle est impossible.
Nous avons cessé depuis longtemps dans notre école d’opposer technique et spontanéité.
Stéphane André
¹ Stéphane André, Une éloquence naturelle, Dunod, 2023.
































































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