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Les orateurs dans le conflit se protègent

Le dimanche 19 octobre, sur la chaine 5, à l’émission C Politique, animée par Thomas Snégaroff, un historien parlait de la manie de Donald Trump de transformer ses adversaires politiques en ennemis. En France, nos élus n’en sont pas encore là. Mais plus notre horizon économique et politique s’assombrit, plus nos élus multiplient leurs lignes jaunes et leurs menaces de censure. Les premières sont des fortifications, les secondes des canons braqués sur l’ennemi.

Une tension faciale qui en dit long

Le cas de Donald Trump est passionnant pour qui enseigne l’Art Oratoire. Nous avons souvent dans ces lignes évoqué sa face blindée et ses paupières resserrées en meurtrières de blockhaus quand il prend la parole. C’est un cas extrême de tension faciale et c’est en cela qu’il est riche d’enseignement. Le président américain s’avance contre ses auditeurs le visage blindé. Qui lui résiste est écrasé. Pas de compromis possible avec lui, donc pas de négociation. Ce qu’il revendique en politique s’annonce déjà dans son approche physique de l’auditoire. Sans aller jusqu’à la caricature que propose Donald Trump, beaucoup de nos politiques montrent aujourd’hui des tensions faciales, fusillent ou fuient du regard leurs contradicteurs dans les débats, bref sont dans la guerre.

Quand le trac impacte l’orateur

De nombreux chroniqueurs se sont interrogés sur la santé mentale de Donald Trump. Ce n’est pas ici le lieu de le faire. De toute façon, tous nos orateurs sont sujets au trac, ce qui est déjà une blessure à l’esprit. Et le trac augmente évidemment lorsqu’ils s’expriment en période de crise. Lui seul déclenche leurs tensions faciales, leurs fuites du regard ou leurs regards qui tuent. Ce sont les réactions de défense les plus visibles contre le danger que représente, lorsqu’on le craint, celui qui n’est pas de votre avis et qui devient ainsi l’ennemi. Embusqué derrière de tels défauts, l’orateur n’a plus peur. Les mots parasites et les tics gestuels qui les accompagnent complètent cette ligne de défense dès lors infranchissable. Elle devient elle-même une forteresse.

Les défauts d’expressions cachent un trac mal maitrisé

Bien sûr, cette forteresse a pour inconvénient d’enlaidir l’expression. Mais elle a surtout celui de tranquilliser trompeusement l’orateur. C’est même sa fonction première. C’est une fonction animale, reptilienne, dont l’orateur n’a même pas conscience. Derrière sa forteresse de défauts, il peut même se croire excellent alors qu’il est insupportable. Demandez-lui d’éliminer tel ou tel défaut d’expression dont il n’avait pas conscience jusque-là, et vous verrez ressurgir en lui un trac qu’il avait oublié depuis longtemps. C’est bien la preuve que le défaut d’expression traitait son trac. C’est pourquoi il y revient très vite, ou le remplace par un autre.

Je ne vous conseillerais pas de faire la même demande à Donald Trump.

Stéphane André