Barack Obama ou l’engagement du corps
Le 27 juillet 2004, Barack Obama est à la tribune de la convention démocrate pour soutenir la candidature de John Kerry à la Présidence des Etats Unis. Peut-être sans le savoir, il est déjà le Président qu’il deviendra quatre ans plus tard. En étroite solidarité avec son public, il propose un discours puissant. Etudions le sur la vidéo qui accompagne cet article.
Il commence par l’histoire de sa famille qui lui a donné la chance de naître aux USA et rend ensuite hommage à ce pays qui donne à chacun ses chances. Puis il en vient à John Kerry, son candidat, qui fera l’unité de l’Amérique et son rayonnement dans le monde. John Kerry qu’il qualifie de candidat de l’espoir contre les cyniques, par exemple pour « a skinny kid with a funny name, who believes that America has a place for him too ! ».
Une immense ovation suit cette phrase prononcée la main à plat sur sa poitrine. C’est un rappel de l’introduction de son discours qui en annonce la conclusion. Celle-ci soulève des clameurs que l’orateur toujours solidaire de son public inclut dans son discours (« … if you feel the same passion than I do… ») avec toute la puissance de sa voix, qui même forte n’est jamais criée.
Ce discours à la rhétorique parfaite (au-delà de sa construction, vous avez admiré les figures de style, notamment quelques anaphores qui n’arrivent pas comme des cheveux sur la soupe) aurait pu être lu à la tribune et ennuyer tout le monde. En France c’est la coutume.
Dans ce discours, Barack Obama ne lit pas de prompteur. On ne lui voit pas le balancement de la tête de droite à gauche et de gauche à droite qu’il aura plus tard quand ses communicants l’auront rendu addict à ce funeste instrument. Il n’a pas non plus de notes. Il regarde vraiment le public, dans lequel se trouvent pèle-mêle ses alliés et ses contradicteurs. Peut-être y a-t-il face à lui quelques milliers de personnes, pourtant elles pourraient n’être que vingt ou trente si l’on en juge par la passion avec laquelle son regard semble tous les accueillir. Dès le début du discours sa voix est puissante. Il la construit comme si aucun micro n’était posé devant lui. Amenée par son regard chaleureux sur son public puis justifié par le placement parfait de sa voix, sa verticalité (qui ne l’empêche pas de se pencher parfois vers la foule) est celle des grands orateurs. Celle de ceux qui engagent tout leur corps dans l’action.
De tels orateurs ont une éloquence à la hauteur des grands projets qu’ils portent, et même plus haut lorsqu’on songe à ce discours de Barack Obama en juillet 2004. Ils sont légitimes pour s’exprimer dans une démocratie car ils suscitent les débats projets contre projets. Leur parole publique nous dispense du climat de haine entre les personnes qui surgit inévitablement quand, faute de grands orateurs, ces débats sont impossibles.
Stéphane André