Booster l’estime de soi, Avoir confiance en soi, La confiance et l’estime de soi, Récupérez la confiance en soi… Les livres, articles et vidéos sur le sujet abondent. Ils suivent la mode du développement personnel. Nos élèves eux-mêmes portent tous cette question plus ou moins formulée en venant nous voir. Comment avoir confiance en moi quand je prends la parole en public ?
Chercher la confiance en soi, c’est regarder l’intérieur de soi pour s’assurer contre un extérieur redouté. Associée à l’injonction partout répétée de « préparer son sujet » (le connaître devrait suffire), la recherche de confiance en soi fait des orateurs nombrilistes travaillant contre leurs publics.
Chercher la confiance en soi pour parler derrière un pupitre, en réunion ou en entretien, c’est surtout penser à y sauver sa peau. Le seul secours (le mot recours est trop faible quand il s’agit de sauver sa peau) de l’orateur pour espérer la sauver, est de se barder de certitudes. Je suis génial ! claironne le titre racoleur d’un des innombrables livres sur la confiance en soi. Tant de certitudes ne peut que conduire à la solitude. Le public ne se sent pas appelé par un orateur fonctionnant en circuit fermé et rivé sur ce qu’il a préparé. Se sentant inutile devant lui, il s’en détourne.
Les orateurs devraient plutôt songer à se servir de leur peau pour sauver la cause dont ils ont la charge auprès du public dont ils ont aussi toujours la charge.
Ceux qui travaillent à maîtriser les règles et techniques de l’Art Oratoire entrent en scène bien plus intéressés par leur public que par eux-mêmes. Il est leur première ressource. Pour eux, la confiance en soi est devenue un non-sujet.
Au contraire de l’orateur, le public n’a aucune charge. La confiance en soi est donc aussi pour lui un non-sujet. En revanche, il a toute confiance dans l’orateur pour lui proposer un manager, un professeur ou un candidat à une élection, bref un personnage comme on dit au théâtre.
L’attendant, il se met donc sans effort dans la peau de collaborateurs, d’élèves ou d’électeurs. Content ou non d’être là, il en présente tous les signes. L’orateur techniquement entraîné à les recevoir se sent soudain agréablement élevé dans sa fonction. Alors apparaît au public le manager, le professeur ou le candidat. L’orateur ne s’intéresse plus à sa personne, sinon pour en faire le vecteur physique de transmission de sa cause vers son public. Connaître son sujet lui suffit, il n’est plus obligé de le préparer. Et s’il l’a préparé, pilotant toujours son discours sur les signes qu’il reçoit de son public, il le réinvente avec lui pour aller au-delà.
La confiance en soi pour parler en public est le pire conseil qu’on puisse donner en art oratoire. En revanche, décider de placer sa confiance dans son public et s’en donner techniquement les moyens est le meilleur. Vulgairement dit, ça marche !
Stéphane André