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L’importance de la parole pour Adam Smith

L’économiste Adams Smith (1723-1790) est l’auteur de La richesse des nations. Le capitalisme libéral avait pour lui la vertu d’assurer le bien-être de chacun. Cet avis fut souvent contesté. Mais Adam Smith fut aussi philosophe. Comme tel, il a fait de l’oral, au cœur des actions humaines, la condition indispensable de cette vertu. A ce sujet, un professeur de notre école a eu la bonne idée de sélectionner sur Wikipédia ce texte sur Adam Smith. Il se termine par une citation fort intéressante de Daniel Diatkine, professeur émérite d’économie à la faculté de Paris Saclay :

« Pour Smith, l’homme dans ses actions doit tenir compte des spectateurs réels ou du spectateur impartial dans le cadre d’un double processus de sympathie. D’une part les spectateurs s’identifient à l’acteur et arrivent à comprendre les motifs de son action ; d’autre part, l’acteur s’identifie aux spectateurs qui le contemplent et perçoit leurs sentiments à son égard. Il résulte de ce double processus de décentrement « un champ de connaissances communes à l’acteur et aux spectateurs, qui engendre l’ensemble du système des règles (dont celles de justice) qui permettent la maîtrise des passions ».

Adam Smith soutient donc qu’une parole de qualité doit impérativement accompagner des actions humaines dans le système capitaliste. Pour nous, qui ne sommes pas économistes, elle le doit dans toute organisation humaine si l’on veut qu’elle soit vivable.

Mais notre accord avec la pensée du philosophe nous semble d’autant plus solide, que notre enseignement colle parfaitement au « double processus de sympathie » que souhaite Adam Smith. D’une part nous expliquons à nos élèves que dans tout auditeur quel qu’il soit, existe une part de public éternel (Adam Smith l’appelle « le spectateur impartial ») qui attend de vivre ce que vit l’orateur en exposant sa cause.

 

D’autre part, par nos techniques nous formons nos élèves orateurs à percevoir constamment les sentiments toujours changeants de leurs auditeurs, afin de conduire intuitivement leur discours sans les heurter, même s’ils sont d’un avis opposé.

Et nous nous sentons encore proche du philosophe quand Daniel Diatkine observe que de ce double processus de sympathie conduit à un « champ de connaissances communes à l’acteur et aux spectateurs ». Nous retrouvons là notre propre définition de la connaissance, déduite de la pratique de l’Art Oratoire. Naissance du savoir chez les auditeurs sous une forme qu’ils intègrent en toute sérénité à l’écoute des orateurs. Re-naissance du savoir chez les orateurs, puisque sous une forme toujours nouvelle adaptée à l’état toujours nouveau de leurs auditeurs. Co-naissance par conséquent du même savoir chez les orateurs et leurs auditeurs, donc création d’un « champ de connaissances communes ». Si Adam Smith revenait, nous lui soumettrions volontiers cette définition : La connaissance est la conception dynamique du savoir partagé entre des humains qui savent se parler, et ainsi maîtriser les passions. C’est bien en effet l’ignorance, contraire de la connaissance, qui empêche la maîtrise des passions et provoque les guerres.

Comme Edgar Morin, autre penseur révéré de notre école, Adam Smith économiste et philosophe n’est pas resté dans le confort du spécialiste d’une seule discipline. De là vient la sagesse de ces deux penseurs.

 

Stéphane André