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Gabriel Attal et les groupes de niveaux au collège : une mauvaise idée pour les enseignants ?

Le premier terrain d’action d’un orateur est la parole dite « en public », c’est-à-dire face à une assemblée. Chaque membre de son public est unique, tant dans sa relation au sujet qu’il porte qu’à sa personne. Tous ont seulement en commun d’avoir chacun une raison particulière, plus ou moins bien vécue, de se trouver face à lui. Mais quelle que soit leur diversité, la performance attendue de l’orateur est de gagner l’attention de tous par un seul discours. Ce peut être un discours de campagne, l’exposé d’un projet d’entreprise, un cours de français, ou de mathématiques.

On entend souvent des orateurs commençant leur discours par des questions à la salle : « Qui d’entre vous s’est déjà confronté à telle situation ? ». Ou par des précautions particulières : « Pour ceux d’entre vous qui ne le sauraient pas, je vais d’abord… ». Ils sous entendent ainsi qu’ils prient les autres de bien vouloir les excuser de les laisser de côté. Ils craignent l’inévitable diversité de leurs auditeurs. En bonne logique cartésienne, il leur paraît impossible de ne pas diviser leur public en autant de parties qu’il est possible, pour adresser tour à tour à chacune d’elles des fragments de discours qui leur soient adaptés, en espérant chaque fois l’indulgence des autres parties. Tentative toujours désespérée. Deux individus seulement en face de ces orateurs les obligeraient déjà à cette division.

Gabriel Attal, notre Ministre de l’Éducation Nationale a décidé de faire des « groupes de niveau » en français et en mathématique, au collège en 6° et en 5°, afin de réduire la diversité des niveaux dans chaque classe.

 

Il pense ainsi faciliter le travail des enseignantsTentative toujours  désespérée. Malgré eux, les enseignants diviseront encore leur public en autant de parties qu’il leur sera possible, parce que c’est un réflexe qui tient à notre culture.

Plutôt que de tenter de fragmenter les publics pour des enseignants désarmés par la diversité de leurs élèves, il vaudrait mieux les former à prendre la parole en public. Ils commenceraient par apprendre comment, techniquement, le regard de l’orateur peut lui permettre d’appréhender la complexité d’une diversité d’individus pour y adapter son cours. Comment ils pourraient alors, par le même cours, faire progresser les plus faibles tout en intéressant les plus forts. Depuis des années que nous voyons la France dégringoler dans le classement PISA, nous attendons en vain de voir cette formation apparaître au programme des réformes successives de notre Éducation Nationale.

Les Français sont d’incorrigibles cartésiens. Être cartésien c’est bien, mais être corrigible c’est mieuxL’Erreur de Descartes est un ouvrage du neurobiologiste américain Antonio Damasio. Il est l’une des sources incontournables de l’enseignement de notre école.

 

Stéphane André